Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/286

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Que le destin promet à la grandeur des Goths,
Il le remet tousjours sur ce mesme propos.
Cependant le temps coule, et l’ouvrage s’acheve :
Les vaisseaux sont en mer, et le bon vent se leve :
Alaric se r’embarque, et vogue heureusement,
Loin des bords d’Albion sur l’humide element.
Comme sur le Thaurus l’on voit la blanche troupe,
Franchir de ce grand mont la dangereuse croupe,
D’un vol precipité qui s’esloigne en bruyant,
Des aigles qu’elle craint, et qu’elle va fuyant.
Ainsi toutes les nefs à voiles estenduës,
Semblent presques voler sur les vagues fenduës :
Et redoublant des flots, et la course, et le bruit,
Une trace d’escume, en tournoyant les suit.
Desja sur la main gauche, en costoyant la France,
La flote voit de Brest la pointe qui s’avance :
Laisse loin les rochers du perilleux Heissant,
Et l’isle d’Oleron qu’elle voit en passant :
Lors que le marinier qui fait garde à la hune,
Voyant confusément la mer un peu plus brune,
Attache ses regards ; l’observe avecques soin ;
Et distingue à la fin une flote bien loin.
Aussi-tost il s’escrie, et fait signe au pilote,
Redoublant par deux fois, arme, arme, flote, flote :
A ce cry tout remuë ; et chacun sur les eaux,
Tasche de remarquer le nombre des vaisseaux.
Ce nombre leur paroist esgaler les estoiles :
Ces nefs viennent sur eux, à rames comme à voiles :