Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/320

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

en ce fatal moment,
Les Romains et les Goths meurent esgalement.
Dans ces lieux reserrez cette nombreuse armée,
Par sa propre grandeur se peut voir oprimée :
Au lieu que dans la plaine eslargissant son corps,
Nous ferons contre luy d’inutiles efforts.
Alaric est vaillant, mais Alaric est homme :
Et ces superbes monts sont le rampart de Rome :
Si nous le deffendons Rome se sauvera :
Si nous l’abandonnons Rome enfin perira :
Et nos mains en ce lieu noblement occupées,
Tiennent le sort de Rome au bout de nos espées :
Mourons, mourons Romains, et pour la secourir,
Songeons qu’en certains temps il est beau de mourir.
A ces mots ils font ferme ; et les piques baissées,
Attendent Alaric à cohortes pressées :
Qui fier de sa victoire, et bravant le danger,
Tourne teste vers eux, marche, et vient les charger.
Comme au bord de la mer durant un grand orage,
Et des vents, et des flots, qui choquent le rivage,
Lors qu’à vague sur vague ils heurtent fierement,
Un bruit espouventable esclate horriblement.
Ainsi des braves Goths, et des troupes romaines,
Le grand et rude choq dans les grotes prochaines,
Fait retentir bien loing des armes et des coups
Un bruit tel que ce bruit de la mer en courroux.
Le Romain et le Goth, front à front, pique à pique,
Esgalement poussé d’une ardeur heroïque,