Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/325

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Bien que je porte un cœur digne de ma noblesse,
Il peut, helas ! Il peut, soûpirer sans foiblesse.
Soûpirez, soûpirez, luy repart le heros,
L’amour comme de Rome a triomphé des Goths :
Partout de cét amour regne la simpathie :
Et sa flâme s’allume aux glaces de Scythie.
Ainsi ne doutez pas que ma compassion,
Ne suive le recit de vostre affliction :
Et que bien qu’ennemy de la grandeur romaine,
Alaric, s’il le peut, ne borne vostre peine :
Car mesme dans l’estat qu’on le voit aujourd’huy,
Il aprend de ses maux à plaindre ceux d’autruy.
Seigneur, luy dit Valere, apres cette assurance,
Quoy que dans mes malheurs je sois sans esperance ;
Quoy que je sois trop bas pour pouvoir remonter ;
Puis que vous l’ordonnez je vay les raconter.
Du sang des Scipions le Tibre m’a veu naistre :
Ce nom est trop connu pour ne le pas connoistre :
Et Carthage destruite avec tant de valeur,
A porté jusqu’à nous leur gloire et son malheur.
Je suis donc nay dans Rome, et d’une race illustre,
Qui dans ses changemens a conservé son lustre :
Malgré les cruautez des civiles fureurs,
Et dans la republique, et sous les empereurs.
Probé, veuve romaine, et du sang des Horaces,
De ses grands devanciers suivant les belles traces,
Par ses hautes vertus comme par sa beauté,
De libre que j’estois m’osta la liberté.