Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/346

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Va ; vient ; s’aproche enfin de cét objet aymé ;
Et s’en approchant trop s’en trouve consumé.
Ainsi le favory de l’empereur de Grece,
Va, vient, voit, et revoit sa nouvelle maistresse :
Se brusle à ce beau feu qui luy charme les sens ;
Et se voit enflâmer par ses rayons puissans.
Mais en l’estat qu’il est, il sent plus d’une peine :
En prenant de l’amour, il a pris de la haine :
Car il sçait, en souffrant un tourment sans esgal,
Par le nom d’Alaric, quel est son grand rival.
Son ame toutesfois se trouve un peu flattée,
Par le noble despit d’une amante irritée :
Son cœur pour s’appaiser, luy semble trop atteint :
Il se flatte, il espere, et cependant il craint.
Tantost il voudroit bien la laisser à Bysance :
Tantost il ayme mieux son aymable presence :
Si le danger est grand, le plaisir l’est aussi :
Et son ame incertaine à bien plus d’un soucy.
Mais la belle guerriere aymant si fort la gloire,
Il pretend la gagner en gagnant la victoire :
Il pretend la venger, et punir un grand roy :
L’attaquer, et le vaincre, et pour elle, et pour soy.
La seule ambition faisoit agir son ame,
Et dans ce premier feu se mesle une autre flâme :
Et dans la double ardeur qui le vient eschauffer,
Il brusle de voir Rome afin d’y triompher.
Mais pendant que ce Grec fait ces belles chimeres,
Rigilde tourmenté par ses douleurs ameres,