Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/351

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Des esclairs à leur tour partent de ses regards,
Et sa noble fierté le fait paroistre un Mars.
Braves Goths, leur dit-il, le sort nous favorise,
Car mesme les Romains bastent nostre entreprise :
Et courant à leur perte, en s’avançant ainsi,
Esbauchons la victoire en deffaisant ceux-cy.
A ces mots il fait alte, et tout le camp s’arreste :
Puis destachant un corps, il se met à sa teste :
Allons, dit-il, allons recevoir le Romain,
Le premier coup d’espée apartient à ma main.
Il part à cét instant, et fond comme un tonnerre :
L’ennemy qui le voit, fait alte, et puis se serre :
Et pour ne donner pas dans tant de bataillons,
D’un poste avantageux couvre tous les sillons.
Boucliers contre boucliers, les cohortes pressées,
L’attendent de pied ferme, et les piques baissées :
Mais bien que cét objet imprime de l’horreur ;
Bien que volent par tout la mort et la terreur ;
Le vaillant roy des Goths que l’univers redoute,
Les charge, se fait jour, et les met en desroute.
Comme on voit un lion au milieu d’un troupeau,
Abattre ; deschirer ; s’ensanglanter la peau ;
De la griffe et des dents exercer la furie ;
Et remplir de frayeur toute la bergerie.
Ainsi du grand heros le redoutable bras,
Abat tout, perce tout, et du sang des soldats
Faisant voir son espée, et degouttante, et teinte,
Remplit les bataillons de desordre et de crainte ;