Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/366

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Le heros en gemit ; on l’entend soupirer ;
Parce qu’il connoist bien qu’il se doit retirer :
Toutesfois pour avoir une valeur discrette,
L’invincible Alaric fait sonner la retraitte.
Comme on voit un lion (par le nombre constraint)
S’esloigner lentement, du chasseur qui le craint,
Se retirer sans fuite, et souvent tourner teste,
Vers ce gros d’ennemis, que sa bravure arreste.
Tout de mesme Alaric, d’un pas superbe et lent,
S’esloigne du Romain, qui le suit en tremblant :
Et joignant la valeur, à la sage conduite,
De temps en temps se tourne, et le remet en fuite.
Il s’en va dans sa tente, où ses chefs tous honteux,
Le suivent sans parler, et d’un pas fort douteux.
Mais pour les consoler, il cache sa tristesse :
Et se mettant aux yeux une feinte allegresse,
Braves Goths relevez vostre esprit abatu :
La fortune, dit-il, en veut à la vertu :
Mais quand l’occasion se rencontre oportune,
Enfin cette vertu, fait ceder la fortune.
C’est par l’adversité, que l’on sent le bon-heur :
La conqueste facile, est presques sans honneur :
Le ciel veut que le bien soit achepté par l’homme :
Nous sommes de ce nombre, et nous attaquons Rome :
Et l’on doit se resoudre à cent et cent hazars,
Pour abattre des murs bastis par des Cezars.
Comme on voit le soleil, apres un grand orage,
De ses premiers rayons, dissiper le nuage :
Et quand par sa