Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/420

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La volupté secrete, est celle d’un vainqueur :
Et ses plus doux momens se passent dans son cœur.
Tels les eut Alaric dans une heure si sombre :
Sans pompe et sans tesmoins, il triompha dans l’ombre :
Et lors que le soleil fit revoir sa clarté,
L’aurore le trouva dans cette volupté.
Mais à peine en ses lieux l’ombre fut dissipée,
Que l’invincible roy fut voir Parthenopée :
Ou pour mieux dire encore, il fut se faire voir,
A ce peuple nombreux qui le vint recevoir.
Alors pour contenter le desir qui l’ameine,
Des vestiges pompeux de la grandeur romaine,
Par un des magistrats ce grand prince est instruit,
Qui dans tous ces beaux lieux, luy parle et le conduit.
Il luy montre Caprée, où s’enfermoit Tibere :
Prochite des pescheurs la retraite ordinaire :
Ischie aux hauts rochers ; et le sage vieillard,
Sur de plus beaux objets tourne apres son regard.
Il luy montre de loin eslevez sur la plaine,
Et le cap de Minerve, et celuy de Missene :
Et pres de ces grands monts dont les yeux sont bornez,
Les murs de Lavinie à demy ruinez :
Murs bastis par Enée, et qui malgré leur âge,
Sont encore debout dans un fameux ouvrage.
De là, suivant tousjours son desir curieux,
La ville de Laurente aparoist à ses yeux :
Et ce vieux senateur luy montre encor Ardée,
Par le pere de Turne autresfois possedée.