Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/423

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Ce prodige l’estonne, et le surprend si fort,
Voyant ainsi passer de la vie à la mort ;
Et repasser apres de la mort à la vie ;
Qu’il ne sçait que penser dans son ame ravie ;
Qu’il ne sçait que juger d’un miracle estonnant ;
Aussi rare en effet, comme il est surprenant.
Deux temples eslevez sur les sablons humides,
Le premier à Neptune, et l’autre aux Nereïdes,
Temples où l’art des Grecs paroist de toutes parts,
Du vaillant roy des Goths arrestent les regards.
On luy fait voir encor vers le bout de la plaine,
Comme une autre merveille, une rare fontaine,
Qui dans un element qui n’a rien que d’amer,
Conserve sa douceur au milieu de la mer.
Il est apres conduit aux ruines superbes,
De Cumes que l’on voit gisante entre les herbes :
Et le vieux magistrat luy montre en cét endroit,
L’antre que la Sybille autrefois habitoit.
Ce prince curieux voulant voir ce bel antre,
Traverse les buissons ; monte au rocher ; puis entre :
Et comme on le veut suivre, un grand et fier serpent,
A longs plis ondoyans sur la roche rampant,
Montre d’azur et d’or, sa belle peau couverte ;
Ses yeux rouges de feu sous une escaille verte ;
Et comme l’arc d’Iris, où tel qu’on voit les fleurs,
D’un esclat variant il fait voir cent couleurs.
Il siffle horriblement contre ceux qu’il regarde :
Et d’une triple langue à tous momens il darde :