Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/454

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veu mes faits et vos desseins :
Et nous serions vaincus avecques les Romains.
Cét honneur est trop grand pour qu’un homme l’obtienne :
Sauvons donc nostre gloire en empeschant la sienne :
Et malgré la fortune, et malgré les destins,
Eslevons son tombeau parmy les champs latins.
A peine l’enchanteur que la colere anime,
Eut formé le dessein de cét illustre crime,
Que cent et cent demons, hurlant horriblement,
L’exciterent encore à ce ressentiment :
Et n’aspirant qu’au sang, qu’aux morts, qu’aux barbaries,
Luy glisserent au sein de nouvelles furies.
Comme les aquilons dans les flots enfermez,
Les poussent au-delà des bords accoustumez ;
Les grossissent d’escume ; et malgré le rivage,
S’eslancent avec eux où se fait leur ravage.
Ainsi les noirs esprits au sein de l’enchanteur,
Enflent le fier despit qui luy grossit le cœur :
Et le poussant encore, au meurtre, à la vangeance,
Vont et le font aller d’esgale violence,
Où Valere et Tiburse occupent leurs regards,
A regarder le camp du haut de leurs ramparts.
Que sert de vous cacher la disgrace advenuë ?
Les Goths sont les vainqueurs, et la Grece est vaincuë,
Dit Rigilde à ces chefs, et j’ay veu de mes yeux
En l’espace d’un jour, deux combats furieux.
Mais dans l’un et dans l’autre, ô douleur sans esgale !
Le Grec a succombé sous l’effort du vandale :