Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/468

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Demande le sujet de son affliction.
Jurez-moy, luy dit-elle, avant que de l’aprendre,
Que Tiburse pour moy voudra tout entreprendre :
Je le jure, dit-il, par le ciel, et par vous,
Serment inviolable, objet charmant et doux.
A l’instant cette belle, aussi triste que fiere,
Ainsi qu’à son rival luy fait mesme priere :
Luy dit mesmes raisons ; commence à le presser ;
L’intimide ; l’esbranle ; et le fait balencer.
Il y resve ; il y pense ; et voyant qu’il l’irrite,
Puis que je l’ay promis, il faut que je m’aquitte,
Dit-il, et s’en allant sur le haut d’une tour,
Qui descouvre le camp, et les lieux d’alentour,
Il fait signe à la garde, et luy tire une fleche
Qui volle vers les Goths par cette antique bresche :
Il y pend une lettre, offrant d’ouvrir au roy :
Un soldat la releve, et signalant sa foy,
Il la porte à ce prince ; et ce prince admirable,
Y fait une response, et grande, et memorable.
Il l’attache à la fleche, et commence à marcher :
Il la tire luy-mesme à ce premier archer :
Mais avec ce billet d’eternelle memoire,
Alaric ne veut point desrober la victoire.
Tiburse qui le voit en demeure confus :
La honte de son crime, et celle du refus,
Luy rougissent le front ; mais pourtant il admire,
La grandeur de ce roy si digne de l’empire.