Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/69

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

a se formant une loy,
Adresse la parole en ces termes au roy.
« Je laisse à ces grands cœurs, ô prince magnanime,
A juger du dessein où leur roy les anime :
Et je laisse aux prudents à disputer entr’eux,
S’il est possible ou non, qu’il luy puisse estre heureux.
Cette vaste carriere est trop longue et trop large :
Je me restraints, seigneur, au devoir de ma charge :
Le reste, quoy que grand, ne m’arrestera point ;
Et de tout ce discours, je ne touche qu’un poinct.
Vous dites que le ciel authorise vos armes ;
Qu’il demande du sang ; qu’il demande des larmes ;
Qu’un ange vous a dit que Rome va perir ;
Et que c’est vostre bras qui la doit conquerir.
Prince, pensez à vous, en pensant à la gloire :
Craignez vostre deffaite, en cherchant la victoire :
Et malgré les conseils de cette vision,
Craignez d’estre trompé, par une illusion.
Connoissez du demon la malice premiere :
Cét ange de tenebre, en ange de lumiere,
S’est changé mille fois, pour perdre les mortels,
Et pour leur inspirer des desseins criminels.
Examinez-vous bien ; connoissez bien vostre ame ;
Voyez si pour le ciel elle est toute de flâme ;
Et si pour meriter une telle faveur,
Cette ame à son devoir esgale sa ferveur.
Mais pourquoy jugez-vous d’une pareille chose ?
Elle nous apartient ; tout roy fait mal qui l’ose :