Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/71

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Et que de Rome à nous, de nous au Quirinal,
La distance est esgale, et le peril esgal.
Mais le destin, seigneur, luy qui fait les obstacles,
Ne fait pas tous les jours de ces rares miracles :
Ils passent la nature, ainsi que la raison,
Et le sort des Romains est sans comparaison.
De plus, comment passer de la cavalerie,
Du rivage Balthique, aux bords de Ligurie ?
La distance des lieux ne vous le permet pas,
Et sans cavalerie où sont les grands combats ?
Mais supposons encor qu’on vainque les tempestes,
Comment pretendez-vous conserver vos conquestes ?
Et si tant de travaux doivent estre sans fruit,
N’achetez-vous pas trop ce qui n’est qu’un beau bruit ?
D’ailleurs, les empereurs, et de Rome, et de Grece,
S’uniront contre vous, si le peril les presse :
Et ces freres unis, à vaincre mal-aisez,
Seront plus forts que vous n’estans plus divisez.
Changez donc le dessein de ce cœur invincible ;
Il est grand, il est beau, mais il est impossible :
Et quelque grand qu’il soit, c’est par l’evenement,
Que l’univers douteux en juge absolument.
Que si l’ambition, et l’amour de la gloire,
Veulent que vous gagniez victoire sur victoire ;
Divers estats voisins, avec moins de danger,
Offrent ce que refuse un climat estranger.
Portons chez les Danois le bonheur de vos armes ;
Le triomphe en ce lieu coustera moins de larmes ;