Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/82

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Et loin de vous porter à ces extremitez,
Il vous en punira si vous y persistez.
Ha ne commettez point une faute si grande !
Si vous estes amant, ma voix vous le commande :
Si vous estes mon roy, j’ose vous en prier :
Mais un aspic est sourd, et j’aurois beau crier.
Ce mot m’est eschappé, mais mon cœur le revoque :
Il ne veut point prier un ingrat qui s’en moque :
Il est trop glorieux pour cette lascheté,
Et par-là son repos seroit trop achepté.
Partez, partez, seigneur, faites hausser les voiles,
Sans consulter les flots, les vents, ni les estoiles ;
Et contre un banc de sable, ou bien contre un escueil,
Allez-vous en trouver un illustre cercueil.
Il vaut mieux que le sceptre, et mieux qu’Amalasonthe :
Des fers qu’il a portez vostre grand cœur à honte :
Puisse donc le destin en descharger vos mains,
Et vous les eschanger aux chaisnes des romains. »
Là, pleine de despit, cette belle le quitte,
Et le laisse interdit, comme elle est interditte :
Il veut la retenir, mais inutilement,
Et ce prince affligé l’apelle vainement.
Comme le voyageur souffre d’extrêmes peines,
Lors que de deux sentiers les traces incertaines,
Font balencer son cœur sur ce qu’il resoudra,
Ne sçachant que choisir, ni lequel il prendra :
Tel paroist Alaric, en sa triste avanture :
Son amour le retient, et le nomme parjure ;