Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/99

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Et pour haster la fin d’un dessein important,
Les anime au travail, qu’on reprend à l’instant.
De mille chariots, la campagne est couverte ;
La forest est peuplée, et la ville deserte ;
Et comme par son roy l’on s’entend exhorter,
Tout va, tout vient, tout porte, ou revient pour porter.
Comme au temps des moissons, les fourmis mesnageres,
Travaillent à l’envy, sous leurs charges legeres ;
Et d’escadrons nombreux, au soir comme au matin,
Couvrent le vaste champ, où se fait leur butin :
Tels mille et mille gents, fourmillent dans la plaine,
Emportant de ces bois, la despoüille hautaine :
Et du matin au soir, sont couverts les chemins,
De sapins et d’ormeaux, de chesnes et de pins.
Mais Rigilde enragé de voir que sa science
Pour la premiere fois, a manqué de puissance,
Loin de se rebuter, redouble ses efforts ;
Fait prendre à ses demons, la forme de corps morts ;
Et de spectres affreux, couvrant tout le passage,
Aux chevaux effrayez, fait perdre le courage.
Ces animaux craintifs, s’arrestent à l’instant ;
Recullent en desordre ; ont le cœur palpitant ;
Battent du pied la terre, et ronflent de colere ;
Ne reconnoissent plus la voix qui les modere ;
Prennent le frain aux dents ; se confondent entr’eux ;
Malgré le foüet sifflant, et le mords escumeux ;
Et touchez par l’objet que l’enfer leur expose,
Ils renversent leur charge, et rompent toute chose.
L’un traverse la plaine, avec un char brisé ;
L’autre sur les rochers, trouve un sentier