Page:De Scudery - Eudoxe, tragi-comédie, 1641.djvu/28

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Cruel Olicharsis, que veux-tu que je fasse ?

Un puissant ennemi me suit de place en place ;

Qui force les mortels à recevoir ses lois ;

Qui commande partout, qui règne sur les rois ;

Qui tout impérieux, se soumet les plus braves ; [455]

Qui n'a point de sujets, qui n'a que des esclaves ;

Et qui change pour moi, par mille maux soufferts,

Ma couronne en son joug, et mon sceptre en ses fers.

Rien pour ce fier tyran ne se trouve impossible :

Un trône est élevé, mais non inaccessible ; [460]

Il y blesse un monarque au milieu de sa cour ;

Et comme moi, tout cède au pouvoir de l'amour.

Mon âme, Olicharsis, s'est assez défendue ;

Elle n'en pouvait plus, quand elle s'est rendue ;

J'ai fait armes de tout en cette extrémité, [465]

Pour sauver mon repos avec ma liberté :

Mais inutilement, contre sa tyrannie :

J'opposais ma raison, ce tyran l'a bannie ;

J'opposais mon devoir, il ne m'écoutait pas ;

J'opposais mon honneur, il m'offrait des appats ; [470]

Et par mille beautés ayant séduit mon âme,

Malgré ma résistance, il y porta la flamme ;

Je pris Rome, il me prit, et possédant mon cœur,

Il me fit voir captif, lorsque j'étais vainqueur.

Ne m'accuse donc plus, mais apprends à te taire : [475]

Si je fais une erreur, est-elle volontaire ?