L'excès d'humilité ne sied pas bien aux rois,
Et le vainqueur tout seul, doit imposer des lois.
Ville, que les romains ont jadis saccagée,
Rome sera punie, et Carthage vengée ; [860]
Et comme ses remparts n'ont pû nous résister,
Je vaincrai cet orgueil, difficile à dompter.
J'entre dans le jardin ; si devant que j'en sorte,
Vous ne vous résolvez à parler d'autre sorte ;
Sachez (pour me payer d'un temps si mal usé) [865]
Que la force obtiendra, ce qu'on m'a refusé,
Je vous le dis encor, songez-y donc madame.
Ô ciel ! En quel état réduisez-vous mon âme ?
Quoi, faut-il que j'endure un si sensible affront ?
J'en ai la mort au sein, et la rougeur au front. [870]
À moi tant d'insolence, à moi tant de menaces !
À moi qui tiens le jour de ces illustres races,
À qui toute la terre obéit si longtemps !
À moi faire aujourd'hui le discours que j'entends !
Moi, me traiter d'esclave, ô fortune ennemie, [875]
Comble-moi de malheurs, mais non pas d'infamie :
Je perds avec le trône, et repos, et bonheur,
Bref, tu m'as tout ravi, mais laisse-moi l'honneur.
Je ne demande point que ma disgrace cesse ;
Je ne veux seulement que mourir en princesse ; [880]
Je ne veux seulement qu'arrêter par ma mort,
L'amour de ce barbare, et son barbare effort.