Page:De Scudery - Eudoxe, tragi-comédie, 1641.djvu/52

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Car si pour mon bonheur la Parque nous sépare,

Vous restez après moi dans les mains d'un barbare,

À qui tout est permis, et qui fait tout aussi ; [905]

Et je mourrai deux fois, si vous mourrez ici.

Ciel écoute la voix, que je pousse pour elles ;

Arrête après ma mort, leurs disgrâces cruelles ;

Mais si ce fier tyran est encor forcené,

Ciel, prive-les du jour que je leur ai donné : [910]

Hélas, de quel malheur ma fortune est suivie,

De souhaiter leur mort, ayant causé leur vie.

Où sera mon refuge, où sera mon recours ?

La terre est impuissante, et les cieux semblent sourds.

Ô toi pour me tirer d'une triste aventure, [915]

Ursace, cher Ursace, ouvre ta sépulture ;

Ouvre-la cher esprit, si j'ai quelque pouvoir ;

Sors pour me délivrer, et pour me recevoir ;

Et puisque mon destin est proche de son terme,

Que ta main m'y conduise, et qu'elle la referme. [920]

Vois si j'ai conservé ma constance et ma foi ;

Considère les maux, que je souffre pour toi ;

Juge si ton Eudoxe est volage ou fidèle ;

Si son coeur méritait les soins que tu pris d'elle,

S'il conserve un objet, et si cher et si beau ; [925]

Et s'il estime un trône au prix de ton tombeau.

Mais je discours en l'air, et mon esprit s'égare,

On ne peut réunir ce que la mort sépare,

Les morts n'entendent plus, ni soupirs, ni clameurs,

Ursace ne vit plus, meurs donc Eudoxe, meurs. [930]