Page:De Scudery - Eudoxe, tragi-comédie, 1641.djvu/68

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Il ne souffrira point, que l'on traite aujourd'hui

Sa maîtresse en esclave, et même devant lui.

Il ne souffrira point que la rage ennemie [1175]

À tant de maux soufferts, ajoute l'infâmie ;

Il ne souffrira point ; non il ne peut souffrir,

Quelque obstacle en ce jour que le sort puisse offrir,

Qu'on force... à ce seul mot ma tristesse redouble ;

L'horreur de ce penser, me confond, et me trouble ; [1180]

Je ne puis achever un si triste discours ;

Je sens que mon trépas en arrête le cours ;

L'excès de la douleur a trop de violence,

Et la main de la mort vient m'imposer silence :

Je succombe, je meurs, mais gardons de mourir ; [1185]

Il n'est pas temps encor, il la faut secourir ;

Il faut faire un effort, pour souffrir et pour vivre ;

La raison veut qu'on vive, afin qu'on la délivre ;

Elle l'ordonne ainsi, quoiqu'il puisse arriver ;

Et l'amour veut qu'on meure, afin de la sauver. [1190]

Faisons donc l'un et l'autre ; ô prince magnanime !

Je sais que votre esprit est ennemi du crime,

Souffrez donc que mon bras signale ici ma foi,

Il n'en veut qu'au méchant qui conseille le roi.

Thrasimond

J'approuve une douleur, et si juste, et si forte, [1195]

Mais non pas le dessein où la douleur vous porte.

Sans doute il vous perdrait, veuillez donc le changer ;

C'est moi qui le puis faire avec moins de danger ;