Page:De Scudery - Eudoxe, tragi-comédie, 1641.djvu/83

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Mon Eudoxe a péri, mon Eudoxe est perdue ;

Mon Eudoxe (ô malheur) ne peut m'être rendue ; [1380]

Ha mon Eudoxe est morte, et sa mère, et sa soeur,

Avec tous les plaisirs dont je fus possesseur.

Père sans amitié, barbare impitoyable,

Qui sans doute as commis une faute effroyable ;

Viens achever ton crime, et me priver du jour, [1385]

Viens contenter ici, ta haine, et mon amour ;

Viens ici contenter une si juste envie,

Je ne veux rien de toi, viens reprendre ma vie ;

Viens m'arracher le coeur ; mais tigre ne viens pas,

Je ne sais si Nature arrêterait mon bras ; [1390]

Et si mon désespoir, si grand, si légitime,

Ne voudrait point punir un crime par un crime.

Non, non je n'en sais rien, et dans mon désespoir,

Peut-être la nature, aurait peu de pouvoir.

Ô destin rigoureux, que ta force est à craindre ! [1395]

Mais lâche Thrasimond, de qui te veux-tu plaindre ?

N'accuse point le ciel, ton père, et ton malheur :

N'accuse que ton bras, et ton peu de valeur ;

Quoi, tarder si longtemps à forcer un passage,

Que t'osaient disputer des hommes sans courage ! [1400]

Des hommes qui tremblaient sachant ta qualité !

Et que tu devais vaincre avec facilité !

N'avais-tu pas promis et donné ta parole,

Que la fureur du roi n'aurait aucun effet ?

Traître tu l'as promis ; mais traître l'as-tu fait ? [1405]