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DE LA SOCIÉTÉ

dirige les affaires importantes se retrouve encore dans les plus petites circonstances. On y est fidèle à des invitations de dîner et de souper, comme on le seroit à des engagements essentiels ; et les faux airs qui font consister l’élégance dans le mépris des égards ne s’y sont point introduits. Cependant l’un des principaux désavantages de la société de Vienne, c’est que les nobles et les hommes de lettres ne se mêlent point ensemble. L’orgueil des nobles n’en est point la cause ; mais comme on ne compte pas beaucoup d’écrivains distingués à Vienne, et qu’on y lit assez peu, chacun vit dans sa cotterie, parce qu’il n’y a que des cotteries au milieu d’un pays où les idées générales et les intérêts publics ont si peu d’occasion de se développer. Il résulte de cette séparation des classes que les gens de lettres manquent de grâce, et que les gens du monde acquièrent rarement de l’instruction.

L’exactitude de la politesse, qui est à quelques égards une vertu, puisqu’elle exige souvent des sacrifices, a introduit dans Vienne les plus ennuyeux usages possibles. Toute la bonne compagnie se transporte en masse d’un salon à l’autre trois ou quatre fois par semaine. On perd un certain temps pour la toilette nécessaire dans ces