Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 1, 1814.djvu/156

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
122
DE L’ALLEMAGNE

d’une si haute conception, n’offrent souvent aucun genre d’amusement ; point de spectacle, peu de société ; le temps y tombe goutte à goutte, et n’interrompt par aucun bruit la réflexion solitaire. Les plus petites villes d’Angleterre tiennent à un état libre, envoient des députés pour traiter les intérêts de la nation. Les plus petites villes de France sont en relation avec la capitale où tant de merveilles sont réunies. Les plus petites villes d’Italie jouissent du ciel et des beaux-arts dont les rayons se répandent sur toute la contrée. Dans le nord de l’Allemagne il n’y a point de gouvernement représentatif, point de grande capitale ; et la sévérité du climat, la médiocrité de la fortune, le sérieux du caractère, rendroient l’existence très-pesante, si la force de la pensée ne s’étoit pas affranchie de toutes ces circonstances insipides et bornées. Les Allemands ont su se créer une république des lettres animée et indépendante. Ils ont suppléé à l’intérêt des événements par l’intérêt des idées. Ils se passent de centre, parce que tous tendent vers un même but, et leur imagination multiplie le petit nombre de beautés que les arts et la nature peuvent leur offrir.

Les citoyens de cette république idéale, dégagés pour la plupart de toute espèce de rapports