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DE L’ALLEMAGNE

de l’esprit, la seule qui développe vraiment la faculté de penser, est vivement excitée par cette étude. Le nombre des facultés qu’elle fait mouvoir à la fois lui donne l’avantage sur tout autre travail, et l’on est trop heureux d’employer la mémoire flexible de l’enfant à retenir un genre de connoissances, sans lequel il seroit borné toute sa vie au cercle de sa propre nation, cercle étroit comme tout ce qui est exclusif.

L’étude de la grammaire exige la même suite et la même force d’attention que les mathématiques, mais elle tient de beaucoup plus près à la pensée. La grammaire lie les idées l’une à l’autre, comme le calcul enchaîne les chiffres ; la logique grammaticale est aussi précise que celle de l’algèbre, et cependant elle s’applique à tout ce qu’il y a de vivant dans notre esprit : les mots sont en même temps des chiffres et des images ; ils sont esclaves et libres, soumis à la discipline de la syntaxe, et tout-puissants par leur signification naturelle ; ainsi l’on trouve dans la métaphysique de la grammaire l’exactitude du raisonnement et l’indépendance de la pensée réunies ensemble ; tout a passé par les mots et tout s’y retrouve quand on sait les examiner : les langues sont inépuisables pour l’enfant comme pour l’homme, et chacun en peut tirer tout ce dont il a besoin.