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DE L’ALLEMAGNE

faites. Les sentiments qu’il exprime dans ces écrits sont pour ainsi dire aussi élémentaires que les principes de sa méthode. On est étonné de pleurer pour un mot, pour un détail si simple, si vulgaire même, que la profondeur seule des émotions le relève. Les gens du peuple sont un état intermédiaire entre les sauvages et les hommes civilisés ; quand ils sont vertueux, ils ont un genre d’innocence et de bonté qui ne peut se rencontrer dans le monde. La société pèse sur eux, ils luttent avec la nature, et leur confiance en Dieu est plus animée, plus constante que celle des riches. Sans cesse menacés par le malheur, recourant sans cesse à la prière, inquiets chaque jour, sauvés chaque soir, les pauvres se sentent sous la main immédiate de celui qui protége ce que les hommes ont délaissé, et leur probité, quand ils en ont, est singulièrement scrupuleuse.

Je me rappelle, dans un roman de Pestalozzi, la restitution de quelques pommes de terre par un enfant qui les avoit volées : sa grand’mère mourante lui ordonne de les reporter au propriétaire du jardin où il les a prises, et cette scène attendrit jusqu’au fond du cœur. Ce pauvre crime, si l’on peut s’exprimer ainsi, causant de tels remords ; la solennité de la mort à travers les misères