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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

peut connoître d’une manière complète le caractère et les devoirs de chaque vocation. Néanmoins Schiller étoit admirable entre tous par ses vertus autant que par ses talents. La conscience étoit sa muse : celle-là n’a pas besoin d’être invoquée, car on l’entend toujours quand on l’écoute une fois. Il aimoit la poésie, l’art dramatique, l’histoire, la littérature pour elle même. Il auroit été résolu à ne point publier ses ouvrages qu’il y auroit donné le même soin ; et jamais aucune considération tirée, ni du succès, ni de la mode, ni des préjugés, ni de tout ce qui vient des autres enfin, n’auroit pu lui faire altérer ses écrits ; car ses écrits étoient lui, ils exprimoient son âme, et il ne concevoit pas la possibilité de changer une expression, si le sentiment intérieur qui l’inspiroit n’étoit pas changé. Sans doute Schiller ne pouvoit pas être exempt d’amour-propre. S’il en faut pour aimer la gloire, il en faut même pour être capable d’une activité quelconque ; mais rien ne diffère autant dans ses conséquences que la vanité et l’amour de la gloire ; l’une tâche d’escamoter le succès, l’autre veut le conquérir ; l’une est inquiète d’elle-même et ruse avec l’opinon, l’autre ne compte que sur la nature et s’y fie pour tout soumettre. Enfin, au-dessus même de l’amour de la