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DU STYLE ET DE VERSIFICATION

renoncer ; elle est l’image de l’espérance et du souvenir. Un son nous fait désirer celui qui doit lui répondre, et quand le second retentit il nous rappelle celui qui vient de nous échapper. Néanmoins cette agréable régularité doit nécessairement nuire au naturel dans l’art dramatique et à la hardiesse dans le poëme épique. On ne sauroit guère se passer de la rime dans les idiomes dont la prosodie est peu marquée ; et cependant la gêne de la construction peut être telle, dans certaines langues, qu’un poëte audacieux et penseur auroit besoin de faire goûter l’harmonie des vers sans l’asservissement de la rime. Klopstock a banni les alexandrins de la poésie allemande ; il les a remplacés par les hexamètres et les vers ïambiques non rimés en usage aussi chez les Anglais, et qui donnent à l’imagination beaucoup de liberté. Les vers alexandrins convenaient très-mal à la langue allemande ; on peut s’en convaincre par les poésies du grand Haller lui-même, quelque mérite qu’elles aient ; une langue dont la prononciation est aussi forte étourdit par le retour et l’uniformité des hémistiches. D’ailleurs cette forme de vers appelle les sentences et les antithèses, et l’esprit allemand est trop scrupuleux et trop