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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

nesse éternelle nous fasse songer à notre existence passagère, elle se revêt de fleurs qui doivent périr, elle fait tomber en automne les feuilles des arbres que le printemps a vues dans tout leur éclat : la poésie doit être le miroir terrestre de la divinité, et réfléchir par les couleurs, les sons et les rhythmes, toutes les beautés de l’univers.

La pièce de vers intitulée la Cloche consiste en deux parties parfaitement distinctes : les strophes en refrain expriment le travail qui se fait dans la forge, et entre chacune de ces strophes il y a des vers ravissants sur les circonstances solennelles, ou sur les événements extraordinaires annoncés par les cloches, tels que la naissance, le mariage, la mort, l’incendie, la révolte, etc. On pourroit traduire en français les pensées fortes, les images belles et touchantes qu’inspirent à Schiller les grandes époques de la destinée humaine ; mais il est impossible d’imiter noblement les strophes en petits vers et composées de mots dont le son bizarre et précipité semble faire entendre les coups redoublés et les pas rapides des ouvriers qui dirigent la lave brûlante de l’airain. Peut-on avoir l’idée d’un poëme de ce genre par une traduction en prose ? c’est lire la musique au lieu de l’entendre ; encore est-il plus aisé de se figurer, par l’imagi-