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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

délicieux par les moyens les plus simples : c’est le Pêcheur. Un pauvre homme s’assied sur le bord d’un fleuve un soir d’été, et, tout en jetant sa ligne, il contemple l’eau claire et limpide qui vient baigner doucement ses pieds nus. La nymphe de ce fleuve l’invite à s’y plonger ; elle lui peint les délices de l’onde pendant la chaleur, le plaisir que le soleil trouve à se rafraîchir la nuit dans la mer, le calme de la lune quand ses rayons se reposent et s’endorment au sein des flots ; enfin le pécheur, attiré, séduit, entraîné, s’avance vers la nymphe, et disparoît pour toujours. Le fond de cette romance est peu de chose ; mais ce qui est ravissant, c’est l’art de faire sentir le pouvoir mystérieux que peuvent exercer les phénomènes de la nature. On dit qu’il y a des personnes qui découvrent les sources cachées sous la terre par l’agitation nerveuse qu’elles leur causent : on croit souvent reconnoître dans la poésie allemande ces miracles de la sympathie entre l’homme et les éléments. Le poëte allemand comprend la nature, non pas seulement en poète, mais en frère ; et l’on diroit que des rapports de famille lui parlent pour l’air, l’eau, les fleurs, les arbres, enfin pour toutes les beautés primitives de la création.