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DU GOÛT

Régane, écrase avec son talon, sur le théâtre, l’œil de Glocester : notre imagination se révoltera toujours contre ce spectacle, et demandera qu’on arrive à de grandes beautés par d’autres moyens. Mais les Français aussi dirigeroient toutes leurs critiques littéraires contre la prédiction des sorcières de Macbeth, l’apparition de l’ombre de Banquo, etc., qu’on n’en seroit pas moins ébranlé jusqu’au fond de l’âme par les terribles effets qu’ils voudroient proscrire.

On ne sauroit enseigner le bon goût dans les arts comme le bon ton en société ; car le bon ton sert à cacher ce qui nous manque, tandis qu’il faut avant tout dans les arts un esprit créateur : le bon goût ne peut tenir lieu du talent en littérature, car la meilleure preuve de goût, lorsqu’on n’a pas de talent, seroit de ne point écrire. Si l’on osoit le dire, peut-être trouveroit-on qu’en France il y a maintenant trop de freins pour des coursiers si peu fougueux, et qu’en Allemagne beaucoup d’indépendance littéraire ne produit pas encore des résultats assez brillants.

FIN DU TOME PREMIER.