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DES MŒURS DES ALLEMANDS

et la gloire des petits États, étoit singulièrement chère aux Allemands ; mais ils négligeoient la grande puissance nationale qu’il importoit tant de fonder au milieu des colosses européens.

Les Allemands, à quelques exceptions près, sont peu capables de réussir dans tout ce qui exige de l’adresse et de l’habileté : tout les inquiète, tout les embarrasse, et ils ont autant besoin de méthode dans les actions, que d’indépendance dans les idées. Les Français, au contraire, considèrent les actions avec la liberté de l’art, et les idées avec l’asservissement de l’usage. Les Allemands, qui ne peuvent souffrir le joug des règles en littérature, voudraient que tout leur fût tracé d’avance en fait de conduite. Ils ne savent pas traiter avec les hommes ; et moins on leur donne à cet égard l’occasion de se décider par eux-mêmes, plus ils sont satisfaits.

Les institutions politiques peuvent seules former le caractère d’une nation ; la nature du gouvernement de l’Allemagne étoit presque en opposition avec les lumières philosophiques des Allemands. De là vient qu’ils réunissent la grande audace de pensée au caractère le plus obéissant. La prééminence de l’état militaire et les distinctions de rang les ont accoutumés à la soumission