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LA CHEVALERIE

dédaigner la ruse, elle s’en sert contre ces êtres foibles qu’elle s’enorgueillit de tromper, et met la profanation dans l’amour à la place du culte.

Le courage même, qui servoit jadis de garant à la loyauté, ne fut plus qu’un moyen brillant de s’en affranchir ; car il n’importoit pas d’être vrai, mais il falloit seulement tuer en duel celui qui auroit prétendu qu’on ne l’étoit pas ; et l’empire de la société dans le grand monde fit disparoître la plupart des vertus de la chevalerie. La France se trouvoit alors sans aucun genre d’enthousiasme ; et comme il en faut un aux nations pour ne pas se corrompre et se dissoudre, c’est sans doute ce besoin naturel qui tourna, dès le milieu du dernier siècle, tous les esprits vers l’amour de la liberté.

La marche philosophique du genre humain paroît donc devoir se diviser en quatre ères différentes : les temps héroïques, qui fondèrent la civilisation ; le patriotisme, qui fit la gloire de l’antiquité ; la chevalerie, qui fut la religion guerrière de l’Europe ; et l’amour de la liberté, dont l’histoire a commencé vers l’époque de la réformation.

L’Allemagne, si l’on en excepte quelques cours