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L’AUTRICHE

pinion y sont si ternes, et ses punitions si douces, que, sans le mobile de la conscience, il n’y auroit pas de raison pour agir vivement dans aucun sens.

Les exploits militaires devaient être l’intérêt principal des habitants d’une monarchie qui s’est illustrée par des guerres continuelles, et cependant la nation autrichienne s’étoit tellement livrée au repos et aux douceurs de la vie, que les événements publics eux-mêmes n’y faisoient pas grand bruit jusqu’au moment où ils pouvoient réveiller le patriotisme ; et ce sentiment est calme dans un pays où il n’y a que du bonheur. L’on trouve en Autriche beaucoup de choses excellentes, mais peu d’hommes vraiment supérieurs, car il n’y est pas fort utile de valoir mieux qu’un autre ; on est pas envié pour cela, mais oublié, ce qui décourage encore plus. L’ambition persiste dans le désir d’obtenir des places ; le génie se lasse de lui-même ; le génie, au milieu de la société, est une douleur, une fièvre intérieure dont il faudroit se faire traiter comme d’un mal, si les récompenses de la gloire n’en adoucissaient pas les peines.

En Autriche et dans le reste de l’Allemagne on plaide toujours par écrit, et jamais à haute voix. Les prédicateurs sont suivis parce qu’on ob-