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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

une femme inspirée d’abord par le ciel, et corrompue ensuite par le démon de l’ambition. Ainsi les Français seuls ont laissé déshonorer sa mémoire : c’est un grand tort de notre nation que de ne pas résister à la moquerie quand elle lui est présentée sous des formes piquantes. Cependant il y a tant de place dans ce monde, et pour le sérieux et pour la gaieté, qu’on pourroit se faire une loi de ne pas déjouer ce qui est digne de respect, sans se priver pour cela de la liberté de la plaisanterie.

Le sujet de Jeanne d’Arc étant tout à la fois historique et merveilleux, Schiller a entremêlé sa pièce de morceaux lyriques, et ce mélange produit un très-bel effet, même à la représentation. Nous n’avons guère en français que le monologue de Polyeucte ou les chœurs d’Athalie et d’Esther qui puissent nous en donner l’idée. La poésie dramatique est inséparable de la situation qu’elle doit peindre ; c’est le récit en action, c’est le débat de l’homme avec le sort. La poésie lyrique convient presque toujours aux sujets religieux ; elle élève l’âme vers le ciel, elle exprime je ne sais quelle résignation sublime qui nous saisit souvent au milieu des passions les plus agitées, et nous délivre de nos inquiétudes per-