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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

donne l’occasion, essaie ce coup hardi vraiment digne de toi.

Tous ceux qui entourent Gessler ont pitié de Tell, et tâchent d’attendrir le barbare qui le condamne au plus affreux supplice ; le vieillard, grand-père de l’enfant, se jette aux pieds de Gessler ; l’enfant sur la tête duquel la pomme doit être tirée le relève et lui dit : — Ne vous mettez point à genoux devant cet homme ; qu’on me dise seulement où je dois me placer : je ne crains rien pour moi ; mon père atteint l’oiseau dans son vol, il ne manquera pas son coup quand il s’agit du cœur de son enfant. — Stauffacher s’avance, et dit : — Seigneur, l’innocence de cet enfant ne vous touche-t-elle pas ? — Gessler : — Qu’on l’attache à ce tilleul. — L’enfant : — Pourquoi me lier ? laissez-moi libre, je me tiendrai tranquille comme un agneau ; mais si l’on veut m’enchaîner je me débattrai avec violence. — Rodolphe, l’écuyer de Gessler, dit à l’enfant : — Consens au moins à ce qu’on te bande les yeux. — Non, répond l’enfant, non ; crois-tu que je redoute le trait qui va partir de la main de mon père ? je ne sourcillerai pas en l’attendant. Allons, mon père, montre comme tu sais tirer de l’arc ; ils ne le croient pas, ils se flattent de nous perdre.