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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

l’exécution de Marie ; on est témoin de son trouble et de sa douleur en apprenant le départ de Leicester pour la France. Cette justice poétique doit se supposer, et non se représenter ; le spectateur ne soutient pas la vue d’Élizabeth après avoir été témoin des derniers moments de Marie. Dans Guillaume Tell, au cinquième acte, Jean-le-Parricide, qui assassina son oncle l’empereur Albert, parce qu’il lui refusoit son héritage, vient déguisé en moine demander un asile à Tell ; il se persuade que leurs actions sont pareilles, et Tell le repousse avec horreur, en lui montrant combien leurs motifs sont différents. C’est une idée juste et ingénieuse que dé mettre en opposition ces deux hommes ; toutefois ce contraste, qui plaît à la lecture, ne réussit point au théâtre. L’esprit est de très-peu de chose dans les effets dramatiques, il en faut pour les préparer ; mais s’il en falloit pour les sentir, le public même le plus spirituel s’y refuseroit.

On supprime au théâtre l’acte accessoire de Jean-le-Parricide, et la toile tombe au moment où la flèche perce le cœur de Gessler. Peu de temps après la première représentation de Guillaume Tell, le trait mortel atteignit aussi le digne auteur de ce bel ouvrage. Gessler périt au mo-