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ATTILA

cher, parce qu’il faut que le sort d’Attila s’accomplisse. Honoria et le pape Léon prient pour Attila sur le théâtre. La pièce finit par un alleluia, et s’élevant vers le ciel comme un encens de poésie, elle s’évapore au lieu de se terminer.

La versification de Werner est pleine des admirables secrets de l’harmonie, et l’on ne sauroit donner en français l’idée de son talent à cet égard. Je me souviens, entre autres, dans une de ses tragédies tirée de l’histoire de Pologne, de l’effet merveilleux d’un cœur de jeunes ombres qui apparoissent dans les airs : le poëte sait changer l’allemand en une langue molle et douce que ces ombres fatiguées et désintéressées articulent avec des sons à demi formés ; tous les mots qu’elles prononcent, toutes les rimes des vers sont pour ainsi dire vaporeuses. Le sens aussi des paroles est admirablement adapté à la situation ; elles peignent si bien un froid repos, un terne regard ; on y entend le retentissement lointain de la vie, et le pâle reflet des impressions effacées jette sur toute la nature comme un voile de nuages.

S’il y a dans les pièces de Werner des ombres qui ont vécu, on y trouve aussi quelquefois