Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 2, 1814.djvu/253

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
235
LE VINGT-QUATRE FÉVRIER

Ces situations sont terribles ; elles produisent, on ne sauroit le nier, un grand effet : cependant on admire bien plus la couleur poétique de cette pièce, et la gradation des motifs tirés des passions, que le sujet sur lequel elle est fondée.

Transporter la destinée funeste de la famille des Atrides chez des hommes du peuple, c’est trop rapprocher des spectateurs le tableau des crimes. L’éclat du rang, et la distance des siècles, donnent à la scélératesse elle-même un genre de grandeur qui s’accorde mieux avec l’idéal des arts ; mais quand vous voyez le couteau au lieu du poignard ; quand le site, les mœurs, les personnages peuvent se rencontrer sous vos yeux, vous avez peur comme dans une chambre noire ; mais ce n’est pas là le noble effroi qu’une tragédie doit causer.

Cependant cette puissance de la malédiction paternelle, qui semble représenter la Providence sur la terre, remue l’âme fortement. La fatalité des anciens est un caprice du destin ; mais la fatalité, dans le christianisme, est une vérité morale sous une forme effrayante. Quand l’homme ne cède pas au remords, l’agitation même que ce remords lui fait éprouver le précipite dans de nouveaux crimes ; la conscience