Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 2, 1814.djvu/28

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
10
LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

C’est ainsi que le poëte nous apprend que ces généreux martyrs ont enfin péri dans les flammes. Dans quelle tragédie païenne pourroit-on trouver l’expression d’un tel sentiment ? ej t pourquoi les Français seroient-ils privés au théâtre de tout ce qui est vraiment en harmonie avec eux, leurs ancêtres et leur croyance ?

Les Français considèrent l’unité de temps et de lieu comme une condition indispensable de l’illusion théâtrale ; les étrangers font consister cette illusion dans la peinture des caractères, dans la vérité du langage et dans l’exacte observation des mœurs du siècle et du pays qu’on veut peindre. Il faut s’entendre sur le mot d’illusion dans les arts : puisque nous consentons à croire que des acteurs séparés de nous par quelques planches sont des héros grecs morts il y a trois mille ans, il est bien certain que ce qu’on appelle l’illusion, ce n’est pas s’imaginer que ce qu’on voit existe véritablement ; une tragédie ne peut nous paroître vraie que par l’émotion qu’elle nous cause. Or, si, par la nature des circonstances représentées, le changement de lieu et la prolongation supposée du temps ajoutent à cette émotion, l’illusion en devient plus vive.

On se plaint de ce que les plus belles tragé-