Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 2, 1814.djvu/284

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
266
LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

soient facilement de la place publique au théâtre. Il vivoit dans un pays où les spéculations philosophiques étoient presque aussi familières à tous les hommes que les chefs-d’œuvre de l’art, parce que les écoles se tenoient en plein air, et que les idées les plus abstraites étoient revêtues de couleurs brillantes que leur prêtoient la nature et le ciel ; mais comment recréer toute cette sève de vie sous nos frimas et dans nos maisons ? La civilisation moderne a multiplié les observations sur le cœur humain : l’homme connoît mieux l’homme, et l’âme, pour ainsi dire disséminée, offre à l’écrivain mille nuances nouvelles. La comédie saisit ces nuances, et quand elle peut les faire ressortir par des situations dramatiques, le spectateur est ravi de retrouver au théâtre des caractères tels qu’il en peut rencontrer dans le monde ; mais l’introduction du peuple dans la comédie, des chœurs dans la tragédie, des personnages allégoriques, des sectes philosophiques, enfin de tout ce qui présente les hommes en masse, et d’une manière abstraite, ne sauroit plaire aux spectateurs de nos jours. Il leur faut des noms et des individus ; ils cherchent l’intérêt romanesque même dans la comédie et la société sur la scène,