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DE LA LITTÉRARURE ET LES ARTS

gent Paris, et que de toutes parts on vante ses exploits, le vieux bourgeois, a son tour, est saisi par une sorte de contagion poétique ; et rien n’est plus plaisant que le bizarre mélange de ce qu’il étoit et de ce qu’il veut être, de son langage vulgaire et des images gigantesques dont il remplit ses discours. À la fin le jeune homme est reconnu pour le fils de l’empereur, et chacun reprend le rang qui convient à son caractère. Ce sujet fournit une foule de scènes pleines d esprit et de vrai comique ; et l’opposition entre la vie commune et les sentiments chevaleresques ne sauroit être mieux représentée.

Le prince Zerbin est une peinture très-spirituelle de l’étonnement de toute une cour, quand elle voit dans son souverain du penchant à l’enthousiasme, au dévouement, à toutes les nobles imprudences d’un caractère généreux. Tous les vieux courtisans soupçonnent leur prince de folie, et lui conseillent de voyager, pour qu’il apprenne comment les choses vont partout ailleurs. On donne à ce prince un gouverneur très-raisonnable qui doit le ramener au positif de la vie. Il se promène avec son élève dans une belle forêt un jour d’été, lorsque les oiseaux se font entendre, que le vent agite les feuilles, et