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DE LA LITTÉRARURE ET LES ARTS

qu’il produit est graduelle : on croit d’abord que son apparente froideur ne pourra jamais remuer l’âme ; mais en avançant l’émotion s’accroît avec une progression toujours plus rapide, et le moindre mot exerce un grand pouvoir quand il règne dans le ton général une noble tranquillité qui fait ressortir chaque nuance, et conserve toujours la couleur du caractère au milieu des passions.

Iffland, qui est aussi supérieur dans la théorie que dans la pratique de son art, a publié plusieurs écrits remarquablement spirituels sur la déclamation ; il donne d’abord une esquisse des différentes époques de l’histoire du théâtre allemand, l’imitation roide et empesée de la scène française, la sensibilité larmoyante des drames dont le naturel prosaïque avoit fait oublier jusqu’au talent de dire des vers, enfin le retour à la poésie et à l’imagination qui constitue maintenant le goût universel en Allemagne. Il n’y pas un accent, pas un geste dont Iffland ne sache trouver la cause en philosophe et en artiste.

Un personnage de ses pièces lui fournit les observations les plus fines sur le jeu comique ; c’est un homme âgé qui tout à coup abandonne ses anciens sentiments et ses constantes habitudes, pour revêtir le costume et les opinions de la gé-