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DE LA LITTÉRARURE ET LES ARTS

quence d’un pari, on lui demanda la suite des comtes souverains du Bugey ; il les dit à l’instant même, seulement il ne se rappeloit pas bien si l’un de ceux qu’il nommoit avoit été régent ou régnant en titre, et il se faisoit sérieusement des reproches d’un tel manque de mémoire. Les hommes de génie, parmi les anciens, n’étoient point asservis à cet immense travail d’érudition qui s’augmente avec les siècles, et leur imagination n’étoit point fatiguée par l’étude. Il en coûte plus pour se distinguer de nos jours, et l’on doit du respect au labeur immense qu’il faut pour se mettre en possession du sujet que l’on veut traiter.

La mort de ce Müller, dont la vie peut être diversement jugée, est une perte irréparable, et l’on croit voir périr plus qu’un homme quand de telles facultés s’éteignent[1].

  1. Parmi les disciples de Müller, le baron de Hormayr, qui a écrit le Plutarque autrichien, doit être considéré comme l’un des premiers ; on sent que son histoire est composée, non d’après des livres, mais sur les manuscrits originaux. Le docteur Decarro, un savant Génevois établi à Vienne, et dont l’activité bienfaisante a porté la découverte de la vaccine jusqu’en Asie, va faire paroitre une traduction de ces Vies des Grands Hommes d’Autriche, qui doit exciter le plus grand intérêt.