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DE LA LITTÉRARURE ET LES ARTS

et de la décadence des Romains ; mais comme Herder s’attachoit à pénétrer le génie des temps les plus reculés, peut-être que la qualité qu’il possédoit au suprême degré, l’imagination, servoit mieux que toute autre à les faire connoître. Il faut ce flambeau pour marcher dans les ténèbres : c’est une lecture délicieuse que les divers chapitres de Herder sur Persépolis et Babylone, sur les Hébreux et sur les Egyptiens ; il semble qu’on se promène au milieu de l’ancien monde avec un poëte historien qui touche les ruines de sa baguette et reconstruit à nos yeux les édifices abattus.

On exige en Allemagne, même des hommes du plus grand talent, une instruction si étendue, que des critiques ont accusé Herder de n’avoir pas une érudition assez approfondie. Mais ce qui nous frapperoit, au contraire, c’est la variété de ses connoissances ; toutes les langues lui étoient connues, et celui de tous ses ouvrages où l’on reconnoît le plus jusqu’à quel point il portoit le tact des nations étrangères, c’est son Essai sur la poésie hébraïque. Jamais on n’a mieux exprimé le génie de ce peuple prophète, pour qui l’inspiration poétique étoit un rapport intime avec la divinité. La vie errante de ce