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LES CRITIQUES A. W. ET F. SCHLEGEL

dont il se servoit avec élégance, entouroit de pensées profondes et d’expressions sensibles les noms retentissants de l’espagnol, ces noms qui ne peuvent être prononcés sans que déjà l’imagination croie voir les orangers du royaume de Grenade et les palais des rois maures[1].

On peut comparer la manière de W. Schlegel, en parlant de poésie, à celle de Winkelmann, en décrivant les statues, et c’est ainsi seulement qu’il est honorable d’être un critique ; tous les hommes du métier suffisent pour enseigner les fautes ou les négligences qu’on doit éviter : mais après le génie, ce qu’il y a de plus semblable à lui, c’est la puissance de le connoitre et de l’admirer.

Frédéric Schlegel, s’étant occupé de philoso-

  1. Wilhem Schlegel, que je cite ici comme le premier critique littéraire de l’Allemagne, est l’auteur d’une brochure en français nouvellement publiée sous le titre de Réflexions sur le Système continental. — Ce même W. Schlegel a fait aussi imprimer à Paris, il y a quelques années, une comparaison de la Phèdre d’Euripide et de celle de Racine : elle excita une grande rumeur parmi les littérateurs parisiens, mais personne ne put nier que W. Schlegel, quoique Allemand, écrivoit assez bien le français pour qu’il lui fût permis de parler de Racine.