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DE LA LITTÉRARURE ET LES ARTS

lance à la main, et le repos de la force caractérise le héros.

J’ai déjà dit que la sculpture en général perdoit à ce que la danse fût entièrement négligée ; le seul phénomène qu’il y ait dans cet art en Allemagne, c’est Ida Brunn, une jeune fille que son existence sociale exclut de la vie d’artiste : elle a reçu de la nature et de sa mère un talent inconcevable pour représenter par de simples attitudes les tableaux les plus touchants, ou les plus belles statues ; sa danse n’est qu’une suite de chefs-d’œuvre passagers, dont on voudroit fixer chacun pour toujours : il est vrai que la mère d’Ida a conçu, dans son imagination, tout ce que sa fille sait peindre aux regards. Les poésies de madame Brunn font découvrir dans l’art et la nature mille richesses nouvelles que les regards distraits n’avoient point aperçues. J’ai vu la jeune Ida encore enfant représenter Althée prête à brûler le tison auquel est attachée la vie de son fils Méléagre ; elle exprimoit, sans paroles, la douleur, les combats et la terrible résolution d’une mère ; ses regards animés servoient sans doute à faire comprendre ce qui se passoit dans son coeur ; mais l’art de varier ses gestes et de draper en artiste le manteau de