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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇOISE

la nation étoit assez éclairée pour savoir qu’il ne faut sacrifier des privilèges qu’à des droits, et que l’aristocratie, avec tous ses défauts, est encore moins avilissante que le despotisme.

Les Danois ont donné le plus scandaleux exemple politique dont l’histoire nous ait conservé le souvenir. Un jour, en 1660, fatigués du pouvoir des grands, ils ont déclaré leur roi législateur et souverain maître de leurs propriétés et de leurs vies ; ils lui ont attribué tous les pouvoirs, excepté celui de révoquer l’acte par lequel il devenoit despote ; et, quand cette donation d’eux-mêmes fut achevée, ils y ajoutèrent encore que si les rois de quelque autre pays avoient un privilège quelconque qui ne fût pas compris dans leur acte, ils l’accordaient d’avance, et à tout hasard, à leurs monarques. Cependant cette résolution inouïe ne faisoit, après tout, que manifester ouvertement ce qui se passoit dans d’autres pays avec plus de pudeur. La religion protestante, et surtout la liberté de la presse, ont depuis créé dans le Danemark une opinion indépendante, qui sert de limites morales au pouvoir absolu.

La Russie, bien qu’elle diffère des autres empires de l’Europe par ses institutions et par ses