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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇOISE

taine crainte de passer pour bons jusqu’à la duperie, crainte qui agit toujours sur eux, car ils veulent avant tout qu’on les croie pénétrans et redoutables. Mirabeau, en arrachant à M. Necker la palme de la paix intérieure, porta le premier coup à sa popularité : mais ce revers devoit être suivi de beaucoup d’autres ; car, du moment que l’on excitoit le parti populaire à persécuter les vaincus, M. Necker ne pouvoit plus rester avec les vainqueurs.

Mirabeau se hâta de proclamer les principes les plus désorganisateurs, lui dont la raison, isolée de son caractère, étoit parfaitement sage et lumineuse. M. Necker a dit de lui, dans un de ses ouvrages, qu’il étoit tribun par calcul et aristocrate par goût. Rien ne pouvoit mieux le peindre : non-seulement son esprit étoit trop supérieur pour ne pas connaître l’impossibilité de la démocratie en France ; mais ce gouvernement eût été praticable qu’il ne s’en seroit pas soucié. Il attachoit un grand prix de vanité à sa naissance ; en parlant de la Saint-Barthélemi, on l’entendoit dire : L’amiral Coligny, qui, par parenthèse, étoit mon cousin tant il cherchoit l’occasion de rappeler qu’il étoit bon gentilhomme.

Ses goûts dispendieux lui rendoient l’argent