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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

ne sont plus les chefs permanens des assemblées, et l’on perd ainsi l’un des plus grands avantages des gouvernemens libres, celui de mettre le talent à sa place, et par conséquent d’encourager tous les hommes à perfectionner leurs facultés. Quand on peut être courtisan du peuple avec aussi peu de talens qu’il en faut pour être courtisan des princes, l’espèce humaine n’y gagne rien.

Les déclamations démocratiques avec lesquelles on réussissoit à la tribune, se transformoient en mauvaises actions dans les provinces ; on brûloit les châteaux, en exécution des épigrammes prononcées par les orateurs de l’assemblée, et c’étoit à coups de phrases que l’on désorganisoit le royaume.

L’assemblée étoit saisie par un enthousiasme philosophique dont l’exemple de l’Amérique étoit une des causes. On voyoit un pays qui, n’ayant point encore d’histoire, n’avoit rien eu d’ancien à ménager, si ce n’est les excellentes règles de la jurisprudence anglaise qui, depuis long-temps adoptées en Amérique, y avoient fondé l’esprit de justice et de raison. On se flattoit en France de pouvoir prendre pour base les principes de gouvernement qu’un peuple nouveau avoit eu raison d’adopter ; mais au