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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇOISE

phe de la liberté est la même que celle d’un homme pieux dans la vie à venir. Ces sentimens, si contraires aux calculs égoïstes de la plupart des hommes qui ont joué un rôle en France, pourroient bien paroître à quelques-uns assez dignes de pitié : il est si niais, pensent-ils, de préférer son pays à soi ; de ne pas changer de parti, quand le parti qu’on servoit est battu ; enfin, de considérer la race humaine, non comme des cartes à jouer qu’il faut faire servir à son profit, mais comme l’objet sacré d’un dévouement absolu ! Néanmoins, si c’est ainsi qu’on peut encourir le reproche de niaiserie, puissent nos hommes d’esprit le mériter une fois ! C’est un phénomène singulier qu’un caractère pareil à celui de M. de la Fayette se soit développé dans le premier rang des gentilshommes François ; mais on ne peut l’accuser ni le juger impartialement, sans le reconnaître pour tel que je viens de le peindre. Il est alors facile de comprendre les divers contrastes qui devoient naître entre sa situation et sa manière d’être. Soutenant la monarchie par devoir plus que par goût, il se rapprochoit involontairement des principes des démocrates qu’il étoit obligé de combattre ; et l’on pouvoit apercevoir en lui quelque faible pour les amis de la république,