Page:De Staël – La Révolution française, Tome I.djvu/390

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sa force, comme il s’empare des hommes dans leur jeunesse, avec illusion et sans prévoyance. La principale inquiétude de l’assemblée constituante ayant pour objet les dangers que les troupes de ligne pouvoient faire courir un jour à la liberté, il étoit naturel qu’elle cherchât de toutes les manières à captiver les milices nationales, puisqu’elle les regardoit avec raison comme la force armée des citoyens ; d’ailleurs elle étoit si sûre de l’opinion publique en 1790, qu’elle aimoit à s’entourer des soldats de la patrie. Les troupes de ligne sont une invention tout-à-fait moderne, et dont le véritable but est de mettre entre les mains des rois un pouvoir indépendant des peuples. C’est de l’institution des gardes nationales en France qu’est résultée dans la suite la conquête de l’Europe continentale ; mais l’assemblée constituante alors étoit très-loin de souhaiter la guerre, car elle avoit beaucoup trop de lumières pour ne pas préférer à tout la liberté ; et cette liberté est inconciliable avec l’esprit d’envahissement et les habitudes militaires.

Les quatre-vingt-trois départemens envoyèrent des députés de leurs gardes nationales pour prêter serment à la constitution nouvelle. Elle n’étoit pas encore achevée, il est vrai ; mais