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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

souffroit cruellement dans les derniers jours de sa vie ; et, ne pouvant plus parler, il écrivit à Cabanis, son médecin, pour en obtenir de l’opium, ces mots de Hamlet : Mourir, c’est dormir. Les idées religieuses ne vinrent point à son secours ; il fut atteint par la mort dans la plénitude des intérêts de ce monde, et lorsqu’il se croyoit près du terme où son ambition aspirait. Il y a dans la destinée de tous les hommes, quand on se donne la peine d’y regarder, la preuve manifeste d’un but moral et religieux dont ils ne se doutent pas toujours eux-mêmes, et vers lequel ils marchent à leur insu.

Tous les partis regrettoient alors Mirabeau. La cour se flattoit de l’avoir gagné ; les amis de la liberté comptoient néanmoins sur son secours. Les uns se disoient qu’avec une telle hauteur de talent il ne pouvoit désirer l’anarchie, puisqu’il n’avoit pas besoin de la confusion pour être le premier ; et les autres étoient certains qu’il souhaitoit des institutions libres, puisque la valeur personnelle n’est à sa place que là où elles existent. Enfin il mourut dans le moment le plus brillant de sa carrière, et les larmes du peuple qui accompagnoit son enterrement en rendirent la pompe très-tou-